Comprendre les cultures de l'ESS dans un monde globalisé et fini introduit une exigence majeure de coopération et de dialogue entre des acteurs de territoires différents et éloignés pour tenter de construire les bases renouvelées d'un monde commun possible. La prise de conscience des enjeux de cette coopération par un rapprochement matériel et culturel nécessaire pour poser les fondements de ce monde à venir s'est accélérée de manière socialement différenciée chez les individus et les communautés à l'épreuve de crises, d'injustices et de fractures (sociale, économique, écologique) dans un processus de transition composé d'incertitudes. Ces moments critiques sont à saisir par tous les acteurs qui participent de l'ESS (associations, institutions, entreprises, collectivités) pour créer de nouveaux espaces collectifs de dialogue démocratique et ouvert.
Si nombreuses sont les initiatives de rencontres internationales dans une logique de reproduction des rapports de pouvoirs clivant les institutions des acteurs et communautés des territoires par une démarche top/down (Olivier de Sardan, 1995), la démarche ascendante bottom/up dans l'organisation de rencontres internationales reste exceptionnelle, elle se distingue par l'exigence de principes d'égalité et d'ouverture, de pluralisme et de participation des acteurs dont l'opérationnalisation sur le terrain reste un défi.
Parmi ces défis, la question de l'accès aux savoirs et aux apprentissages de connaissances, notamment scientifiques voire non scientifiques, renvoie à l'imbrication de l'héritage culturel dans des pratiques souvent soumises à des transformations des échanges économiques sans transition (vente en ligne de productions locales par des femmes africaines). Ces nouveaux modes d'appropriation des ressources locales, source d'empowerment (Bacqué & Biewener, 2013), participent de formes de participation et d'émancipation par l'accès à un statut et à une reconnaissance nouvelle par le dépassement des anciennes hiérarchies.
Le 1er Forum international de l'ESS (22-24 mai 2017) à Marrakech s'est défini comme un Forum atypique par sa volonté de se départir des hiérarchies conventionnelles héritées d'une culture néocoloniale et savante pour engager une démarche de co-construction, avec les acteurs locaux des ESS africaines, des éléments d'une culture plurielle de l'ESS, questionnant les savoirs comme des communs et posant la question de l'émancipation.
Ce projet a cherché à dépasser plusieurs lignes de clivages ou d'opposition : entre le Nord et le Sud en créant un Forum international de l' ESS dont la focale est située sur le continent africain, entre l'université et les acteurs locaux en plaçant les étudiants futurs professionnels et les professionnels dans une situation potentielle de « passeurs », entre les connaissances académiques, entre les connaissances non académiques en instaurant des échanges directs, ou encore entre le local et l'international. Ce Forum hybride (Callon et al.,2001) a mis en lumière des convergences en soulignant les interdépendances entre des formes différentes d'accès à la connaissance (par exemple entre acteurs témoins, professionnels, chercheurs) et de faire émerger un sentiment d'appartenance matérialisé par des savoirs communs.
Cette communication se propose de revenir sur cet évènement en questionnant les enseignements des dizaines de séances et de table-rondes du 1er Forum international de l'ESS centré sur « Comment former à l'ESS ? » (2017). Les résultats sont discutés au regard de la démarche collective appliquée, d'une approche épistémologique et théorique mise en pratique sur la construction des savoirs et d'une approche globale du Forum tourné vers les échanges et le dialogue interculturel. Nous exposerons les freins, notamment les enjeux de pouvoir, et les principaux résultats autour de trois questions centrales : quel(s) échange(s) social (iaux) dans un nouvel espace (Remy, 2015) tel que ce Forum ? Comment s'expriment les modèles culturels sous-jacents dans l'approche de l'ESS, sa formation et son apprentissage par les différents acteurs ? Comment s'expriment et sont traduits les nouveaux savoirs communs entre les parties présentes (chercheurs, acteurs locaux, institutions) et de quelles transactions sociales sont-ils l'objet ?
| Type : | : | Oral |
| Thématiques | : | Atelier 4 - Axe 4: L’interculturel dans l’ESS |
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